EXTRAIT DE CHRÉTIENS MAGAZINE – MAI 2004 (No. 170) - France

AUTEUR : PATRICK SBALCHIERO

 

Pâques 2004 a été place sous le signe de l'unité des chrétiens. Catholiques et orthodoxes ont fêté ensemble la Résurrection du Christ. Au Proche-orient, région si déchirée, cette date revêt une importance capitale. Grâce à un calendrier concordant, les différentes confessions chrétiennes ont vécu d'un seul coeur les cérémonies pascales.

 

Pour l’occasion, les pèlerins sont venus en nombre à Damas. La mai­son de Myrna, dans le quartier de Soufanieh, ressemblait à une ruche, peuplée d'amis et de curieux. Ils sont arrivés du monde entier : des Etats­-Unis, de Belgique, d’Allemagne, du Danemark, de Norvège, de Suède, d'Egypte, du Liban, de Jordanie, du Soudan, de Tahiti, du Canada etc. Les Français étaient les plus nombreux! Le père Elias Zahlaoui me confiait son étonnement : « Vos compatriotes se livrent à une véritable occupation de la " Maison de la Vierge ! Mais c’est pour la bonne cause ! »

 

Je suis arrivé au soir du mercredi saint à Soufanieh. Comme d’habitu­de, l'accueil de Myrna et de Nicolas est remarquable, comme pour cha­cune des personnes frappant à leur porte. Je ne m'attarde pas. Il est tard. Je lis une immense fatigue sur le visage de Myrna. Je la sens heureu­se de voir tant d'amis venir lui rendre visite mail, en même temps, anxieu­se de la tournure que pourraient prendre les événements. Elle le sait: à chaque fête de Pâques célébrée conjointement, elle a reçu des grâces extraordinaires, dont les stigmates. Elle appréhende. Elle me confiera plus tard :

« Je savais que beaucoup de monde allait venir. Dans les jours qui ont précédé la Semaine sainte, j'ai prié le Seigneur de me réconforter : j’avais peur et je me demandais ce qui allait se passer. Je ne voulais sur­tout pas que Soufanieh se transfor­me en spectacle. »

 

Je dois insister pour prendre congé. Myrna est abandonnée à Dieu. Pour elle, il n'y a plus d'heure ni d'impératif mondain : seul compte l'autre, en qui elle discerne, dit-elle, le visa­ge du Christ.

 

C’est le Jeudi saint. Depuis la veille, une équipe médicale venue du nord de l’Europe effectue des analyses poussées sur Myrna. Dirigée par le docteur Knut Kvernebo, professeur de chirurgie cardiaque à l'université d'Oslo, elle ne comprend pas moins de quatre médecins, dont un psychiatre, un der­matologue et un généraliste. L’appa­reillage transporté semble à la poin­te du progrès : la technologie au service de la foi ! Quatre jours durant, Myrna va subir prises de sang, relevés de température, examens car­diaques, tension artérielle, tests cutanés, bilans divers, etc. Pour la première fois, un doppler à résonan­ce magnétique est utilisé pour comprendre la formation et l’évolution des plaies de la Passion ! D’autres praticiens sont présents à Soufanieh : Philippe Loron, neurologue, bien connu de nos lecteurs, a fait le voyage, comme Antoine Mansour, chirur­gien de Los Angèles (États-Unis), et d'autres. Cette collaboration de la médecine contemporaine est une grâce. Aucun phénomène mystique n’avait jamais été étudié d'aussi près dans l'histoi­re. Myrna a donné son accord total. Vers 13 heures, elle s'alite, exténuée. L'équipe médicale au grand complet l'entoure, ainsi que des journalistes et quelques amis. Un cameraman a grimpé au sommet de l’armoire ! Dans le patio, chants et prières se succèdent. Il y a beaucoup de monde, jusque sur la terrasse. Des écrans de télévision ont été installés dans plu­sieurs endroits de la maison pour permettre a tous de suivre les événements.

 

Les traits de Myrna traduisent une souffrance intense. Elle vit la dou­leur dans une dignité édifiante. Les médecins lui tiennent les mains. Elle ne crie ni ne proteste. Elle participe à la Passion du Christ, librement.

 

Vers 14 heures, les douleurs s'ac­centuent. Myrna se plaint du coté. Le docteur Knut Kvernebo décide de soulever légèrement son pull-over blanc. Une plaie droite, fine et saignante est visible sur le corps de Myrna. L’as­sistance retient son souffle. Le stig­mate du coup de lance vient d’apparaître.

 

Selon le déroulement traditionnel de la stigmatisation (depuis saint Fran­çois d'Assise), je m'attendais à l'ou­verture simultanée des blessures aux mains, aux pieds et au front. Rien de tel. Fait unique dans l'histoire : ce jour-là, la blessure du coeur sera la seule visible à nos yeux.

 

Comment comprendre cet écart phénoménologique par rapport à l’évo­lution «classique » des stigmates ? Les voies de Dieu ne sont pas les nôtres. Et c’est le Seigneur Lui-même qui a fournira l’explication ! Myrna a entendu ces paroles du Christ :

«Voici la Source à laquelle se désaltère toute âme.  La Blessure de Mon cœur est la source de l'Amour. Quant aux Plaies, elles sont à cause d'un crime que Je n'ai pas commis. »

 

Le coté ouvert du Christ est la sour­ce d'ou ont jailli eau et sang, annon­ce des sacrements, vie et amour de Dieu pour ce monde. C'est du coeur du Christ, transpercé par la haine et l’indifférence, que se répand la miséricorde infinie du ciel. La tradition latine n'a eu de cesse d’évoquer la spiritualité du Sacré-cœur, de sainte Marguerite-Marie Alacoque et de sainte soeur Faustine. Aujourd'hui, par la bouche de Myrna, le Christ redit cette vérité essentielle en langue arabe à notre monde. Ce phénomène nouveau du stigmate unique est cohérent et en parfaite adéquation avec le mes­sage reçu ce jour-là.

 

Comme d'habitude, la plaie a évolué vers une cicatrisation définitive en quelques heures, n'entraînant ni lésion ni infection. Aucune interven­tion thérapeutique n'a été nécessaire.

 

Le lendemain, la blessure épidermique avait laissé place à une cica­trice blanchâtre. Myrna retournait de plus bel à ses occupations quoti­diennes, surmontant une fatigue physique évidente.

 

Samedi saint : un déjeuner est orga­nise dans le jardin public jouxtant la « Maison de la Vierge ». Le maire de Damas, musulman, assisté de col­laborateurs, rejoint les fidèles de Sou­fanieh vers midi. L’atmosphère est à la détente. Des amis venus de Polynésie entament chants et danses tra­ditionnels en habit traditionnel. Au coeur de Damas, la scène prend un relief inattendu !

 

Vers 14 heures, Myrna accueille chez elle des médecins libanais, venus à Soufanieh dans une grosse automo­bile allemande. Une rumeur circule ces praticiens seraient septiques à propos des phénomènes vécus par Myrna.

 

La Providence surprend toujours et déroute souvent. Un quart d'heure plus tard, Myrna descend l'escalier de pierre reliant le rez-de-chaussée au premier étage de sa maison. Soudain, elle s'arrête, pétrifiée, incapable de faire un pas.  Au pied de l'escalier, les médecins libanais fraîchement débarqués assis­tent à la scène. Une femme tahitien­ne m’a raconté : « Incroyable ! J'ai aperçu Myrna qui était figée dans l'escalier. Je me tenais à peine à deux mètres d'elle. Soudain, j'ai vu de l'huile jaillir de ses yeux ! »

 

C'est le commencement de l'extase. Et nos médecins septiques de récu­pérer Myrna, chancelante, et de la porter dans sa chambre qui est rapi­dement envahie ! Un service d'ordre improvise tente de filtrer les entrées. Myrna est allongée sur son lit. Elle semble inerte. Ses mains et son visa­ge ruissellent d'huile. C'est la phase aigue de l'extase. Nicolas me confie à 1'oreille : « Regardez toute cette huile sur son visage. C'est incroyable. »

 

Parfois, Myrna bouge la tête, remue les lèvres, prononce quelques mots, immédiatement enregistres et pris en note par le père Boulos Fadel, son jeune et sympathique guide spirituel. Une femme est parvenue a placer un bébé aux cotés de Myrna. L'enfant dort d'un sommeil profond.  « Il est très malade », m’explique Nicolas.

 

L'extase a duré moins longtemps qu'a l'ordinaire : une dizaine de minutes. Soudain, Myrna sourit longuement. Mais brusquement les visages se figent : elle se met à sangloter. Le calme revient. Myrna retrouve l'usa­ge de ses sens. Elle dicte un messa­ge en arabe dialectal. Jésus lui a dit ces mots :

« Mon dernier commandement pour vous: “Retournez chacun chez soi, mais portez l'Orient dans vos coeurs.   D'ici a jailli à nouveau une lumière, dont vous êtes le rayonnement dans un monde séduit par le matérialisme, la sensualité et la célébrité au point qu'il en a presque perdu les valeurs.  Quant à vous, préservez votre authenticité orientale. Ne permettez pas que l'on vous aliène votre volonté, votre liberté et votre foi dans cet Orient. »

Le père Zahlaoui, arrive en hâte, tra­duit ce message en français puis demande à quelqu'un dans l'assis­tance d’en faire une version anglaise. Des informations circulent: Myrna n'aurait pas eu d'extase ; elle aurait vu la Vierge.  Le père Boulos Fadel a trans­crit par écrit le témoignage complet de Myrna. De mon coté, je lui ai demande :

 

« Peux-tu me dire ce que tu as res­senti au cours de l'extase ?

Si je regarde la cassette vidéo de l'ex­tase, je ne me reconnais pas. Ce n’est pas Myrna ! Je ne me souviens plus de rien avant de m'être retrouvée dans la chambre, allongée dans mon lit. Cette fois, c'était différent. J'ai pu rapidement entendre ce que les gens disaient autour de moi. J'ai même perçu un différend entre deux hommes qui se tenaient près de moi (je confirme le fait pour l'avoir vu : le docteur Knut a demandé vivement à Gabriel Berberian, technicien, et vieil ami de Soufanieh, de reculer avec sa caméra).

 

La Vierge s'est-elle montrée ?

Je l'ai vue en extase, en vision. Elle a passé sa main dans mes cheveux. J'étais très heureuse (joie traduite par le sourire de Myrna évoqué ci­-dessus).

 

Lorsque tu as pu entendre a nou­veau, as-tu retrouvé aussitôt l'usa­ge de tes yeux ?

Non, j'ai vu une grande lumière, mais je ne percevais pas distinctement les gens autour de mon lit.

 

Tu semblais encore loin de ce monde. Qu'as-tu vu alors précisément?

J’ai vu le Christ. C'est la première fois que je le vois ainsi, non dans une vision, mais physiquement, dans la chambre, à l'intérieur de la lumière.

 

Selon toi, était-Il réellement dans la chambre ?

Oui, absolument.

 

Peux-tu dire ou Il se tenait exactement ? Etait-il parmi les personnes présentes dans la chambre ?

Non, Il se tenait au-dessus de la porte d’entrée.

 

As-tu vu ses traits ? Son humanité ?

Non, j'ai vu sa silhouette, à la maniè­re dont Il se montre au cours de mes visions. J’ai entendu sa voix qui sor­tait de la lumière.

 

A-t-I1 délivré son message dès que tu l'as vu ?

Non. Le Seigneur respecte le travail de chacun. Il a attendu que les méde­cins finissent leurs examens !

 

Une fois de plus, Dieu a comblé Sou­fanieh. Plusieurs centaines de per­sonnes ont envahi la « maison de la Vierge » : fidèles, prêtres, religieuses (des soeurs de la Charité de la bien­heureuse mère de Calcutta en sari blanc et bleu, amies de Myrna, visi­teuse habituelle des malades dont elles s’occupent), musulmanes por­tant le voile, venues vénérer Marie, la mère de Jésus...

 

Et l'épiscopat ?

 

J'ai demandé à Mon­seigneur Grégoire Elias Tabé, évêque de l'Eglise syrienne catholique de Damas, ce qu'il pensait des événe­ments de Soufanieh.

 

« Monseigneur, la communauté chrétienne dont vous avez la char­ge est-elle importante ?

Elle représente environ 50 000 fidèles, repartis entre quatre diocèses en Syrie. Nous possédons nos insti­tutions administratives et caritatives, comme des hôpitaux, des lieux d’ac­cueil pour personnel âgées et démunies. Nous sommes présents sur cette terre depuis les origines du christia­nisme. Mon évêché se trouve à quelques centaines de mètres de la maison d'Ananias ! Nous célébrons la liturgie d'Antioche, en syriaque et en araméen et, bien sur en arabe, pour la lecture de l'Evangile par exemple. C'est très priant.

 

La Syrie est une vaste mosaïque culturelle et religieuse. Quels sont les rapports avec les autres Eglises chrétiennes ?

Ils sont très bons. Nous sommes fidèles au pape et suivons la doctri­ne sociale de l'Eglise catholique.  Il en va de même avec les Eglises ortho­doxes.

 

Et avec l'islam ?

Les relations sont bonnes avec nos frères musulmans, depuis longtemps ! Nous sommes tous citoyens d'un même pays.

 

Avez-vous l'impression que l'on s'achemine vers l'unité des chrétiens ?

Certainement ! Mais ce n'est pas faci­le ! Il y a de plus en plus de rappro­chements. Quant à vous dire à quel moment l'unité sera réalisée du point de vue institutionnel, j'en suis bien incapable ! Laissons cela à la Provi­dence.

 

Que pensez-vous des événements et des messages de Soufanieh centrés, nous le savons, sur le thème de l'unité ?

Oui, le phénomène de Soufanieh est aujourd'hui bien connu en Syrie et à l'étranger. Cela dure depuis plus de vingt ans ! L'Eglise, en tant qu'ins­titution officielle, n’a pas encore dit son mot. Mais la pratique des fidèles semble sur un bon chemin. Nous ver­rons.

 

Etes-vous allé vous-même sur place ?

Malheureusement, non. Je suis nou­veau à Damas, ou j'ai été nomme depuis trois ans seulement. Mais je suis au courant de ce qui se passe là-bas. Prêtres et fidèles en parlent. Les informations circulent. Le climat de prière, l'enthousiasme des gens et la spiritualité ecclésiale sont d'excel­lents fruits.

 

Espérez-vous vous y rendre un jour ?

Ce n'est pas un problème que je m'y rende ou non. Soufanieh va vers le bien des fidèles. L'important, c’est que le nom de Dieu soit loué ! »

 

Avant de quitter Damas, je voulais revoir Nicolas Nazzour, que certains surnomment amicalement le « saint Joseph » de Soufanieh. Une question me taraudait. En 1982, il avait d'abord douté de l'authenticité des phénomènes. Homme peu versé dans le surnaturel, entrepreneur talentueux, frotté au mode de vie occidental, Nicolas ne présentait guère les caractéristiques habituelles du jeune époux confit en dévotion. Aujourd'hui, son évolution est remarquable.

 

Pour quelle raison étiez-vous éloi­gné de l'Eglise orthodoxe à la­quelle vous appartenez ?

Lorsque mon père est mort, je suis allé trouver un prêtre pour les funérailles. Il m’a immédiatement annon­cé ses tarifs ! Si nous voulions la présence de l'évêque, c'était beaucoup plus cher ! Depuis ce jour, j’avais pris mes distances !

 

En 1982, vous étiez loin de penser que Dieu allait intervenir d'une manière spéciale dans votre mai­son ?

Oh oui ! J'avais passé plusieurs années en Allemagne. J'étais dans la haute coiffure pour dames. J'avais quelques économies et j'espérais revenir en Syrie, m'y installer confor­tablement et me marier. J'avais ren­contré Myrna, une jeune fille qui aimait rire avec ses amies, qui aimait la vie, la natation, la danse, etc.

 

A quel moment avez-vous cru en une intervention spéciale de Dieu à Soufanieh?

Les événements ont commencé six mois après notre mariage ! Lorsque j'ai vu l'huile sur les mains de Myrna pour la première fois, je lui ai dit : " Tu as du manger des aubergines! " Mais peu après, une femme est entrée dans notre maison, accompagnée d'un petit garçon paralysé des membres inférieurs, contraint de se déplacer avec des béquilles en bois. J'ai pris l’enfant dans mes bras. Myrna a insisté pour lui frotter les pieds avec du coton imbibé d'huile. Je le tenais fermement. Soudain, tout son corps s'est mis à trembler. Je ne comprenais pas ce qui se passait. J'ai eu peur, croyant qu'il faisait un malai­se. Je l'ai posé machinalement par terre, et à cet instant... il s'est mis à marcher ! Devant nous ! Devant sa mère qui s’est mise à hurler puis à frapper les béquilles 1'une contre l'autre, disant qu’elles serviraient à allumer un barbecue ! Depuis ce jour, j'ai cru.

 

Soufanieh est riche de la richesse de Dieu.

 

 

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Étaient présents les pères: Paul Fadel, Adel Théodore Khoury et Elias Zahlaoui, ainsi qu' un prêtre français, le père Joseph Besnier, et un prêtre canadien, le père Louis-René Gagnon M.S.C., outre de nombreux médecins et spécialistes venus d'Allemagne (Riad Hanna), de France (Philippe Loron), des États-unis (Antoine Mansour), de Norvège (Knut Kvernebo, Cato Mork, Oivind Ekeberg), de Suède (Goran Solerud, Erik Haggblad).  Les médias étaient représentés par la TV3 suédoise, la LBC (libanaise).  Un théologien danois, Dr Niels Christian Hvidt était aussi présent. 

 

Légères corrections, clarifications et rectifications effectuées par Gabriel Berberian.