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Mars 1988

Mardi 1er mars

Le patriarche Zakka m'appelle à son bureau. Je m'attends à ce qu'il s'excuse de ne pouvoir assister à la conférence qu'il doit faire aux universitaires sur la Sainte Vierge. C'est ce qu'il fait. Je comprends parfaitement et lui dis que je m'y attendais et que je ne lui souhaite aucun ennui. Je le remercie de sa franchise avec moi et lui offre de nombreux exemplaires du livre de mon ami Adib Mousleh. : Sur la route de la vie avec Alexis Carrel. Je lui explique la raison de sa publication. Nous le voulons une sorte de réponse indirecte aux critiques lancées contre Soufanieh. Ce livre se distribue gratuitement.

Vendredi 4 mars

Antoine Makdisi et le P. Khalil Rustom, curé des maronites à Damas, participent à un colloque donné aux jeunes de la paroisse universitaire, sur le thème "Jeunesse et Église". Je signale que Makdisi mentionne plusieurs fois et spontanément Soufanieh. Il insiste sur le fait qu'il y voit un signe du Seigneur auquel il faut prêter attention, et l'une de ses formes de présence parmi nous aujourd'hui.

Lundi 7 mars

Je m'entends avec le P. Malouli pour distribuer aux fidèles, à Soufanieh, le livre Sur la route de la vie avec Alexis Carrel, à la seule condition qu'ils promettent à la Vierge de le lire!

Vendredi 11 mars

Le P. Mitri Athanasiou donne aux universitaires la conférence sur la Vierge, à la place du patriarche Zakka. Il fait de nombreuses allusions à Soufanieh, y voyant un signe du Seigneur qu'il ne faut pas négliger, et dont il est honteux de se moquer.

Dimanche 13 mars

Le P. Alam Alam parle dans la "Salle des bras" aux membres de la chorale sur "la Foi en Dieu". Sa causerie est toute de simplicité, de douceur et de confiance. Il évoque clairement Soufanieh, y voyant un acte de création. Or, seul le Créateur crée. Sa présence parmi nous est donc évidente et pressante. On n'a pas le droit de faire l'ignorant.

Tous ces conférenciers se donnent le mot pour dire la même chose!

Mardi 15 mars

Aujourd'hui, voyage à Alep.

Je prie dans la maison des Manuelian. J'arrive chez eux à 17 heures. La prière, tout entière en arménien, a commencé à 15 heures et s’achève à 19 heures! Je ne comprends absolument rien. Cependant, je vibre à cette prière, car il est manifeste qu'elle jaillit du coeur des fidèles. C'est l'évidence même, surtout les prières personnelles improvisées.

Après la prière, je passe un moment au salon, avec la famille et les amis qui m'accompagnent. Je visionne la vidéocassette où l'on voit l'image de Notre-Dame suinter de l'huile.

Au bout d'une heure, je demande à toute l'assistance de prier un moment devant l'Image miraculeuse. Nous entrons dans la pièce réservée à la prière. Michel Chahda m'explique comment ils ont aménagé la niche de l'image. Il sort l'image et me montre tout: il fallait à tout prix enlever le moindre doute sur l'origine de l'huile. Je prends l'image dans ma main droite et la regarde. Elle est parfaitement sèche.

Subitement, trois jets d'huile en jaillissent! J'en fus tellement pétrifié que je n'ai pas le temps de placer ma main sous l'image pour empêcher l'huile de tomber sur le parquet. Certaines personnes présentes, dont Gemma Saïdé et Hiam Kassar, me demandent d'où a bien pu jaillir l'huile. Je répond:

- Je n'ai vu que ce que vous avez tous vu!

Je remets l'image à sa place et nous nous agenouillons pour prier.

A mon retour à l'Hôpital Al-Kalimat, qui m'accueille toujours lors de mes passages enAlep, je raconte ce fait aux religieuses. A leur tour, comme beaucoup d'autres, les Soeurs; s'interrogent sur la raison de cette multiplication d'huile. Certaines restent sur leur doute.

Mercredi 16 mars

Je rends visite à Mgr Néophyte Édelby.

Il est très impressionné par l'avis du P. René Laurentin, tel que ce dernier l'a exprimé dans sa lettre collective qu'il m'a envoyée aussitôt après son départ de Damas.

Il insiste pour que je me hâte de publier mes mémoires. «Près de cinq ans se sont écoulés, me dit-il, et il est temps que les gens sachent ce qui se passe.» Je l'interroge sur l'Imprimatur pour ce genre de publications. Il m'assure que celui-ci n'est plus nécessaire. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'il me tient pareil langage.

Jeudi 17 mars

Je me trouve avec Michel Chahda dans son bureau. Nous parlons de Soufanieh et d'Alep. Tout à coup, Mme Manuélian apparaît sur son balcon, gesticulant des deux mains. Nous nous empressons d'aller vers elle. En passant, nous invitons le cousin de Michel, Raymond, et les gens présents à nous suivre.

Dans la "chambre de la Vierge", nous voyons l'huile couler goutte à goutte, lentement, de l'Image miraculeuse. Nous nous agenouillons tous, et comme d'habitude je prie à haute voix. Je termine la prière par un chant à la Vierge. Puis, toutes les personnes présentes prennent un morceau de coton imbibé d'huile et nous sortons en silence.

Il y a avec nous un musulman d'une cinquantaine d'années, du nom de Mouhammad Baki Zada. C'est un avocat qui travaille au Bureau d'approvisionnement d'Alep. Il nous invite à monter dans sa voiture, pour nous conduire à notre rendez-vous. Tout le long de la route, nous sommes silencieux.

Tout à coup, Mouhammad Zada dit:

- Père, ce qui est grand dans tout ce qui survient à Damas et à Alep, c'est que cela arrive en un temps où Dieu a été complètement exclu de la vie d'un grand nombre et où l'immoralité s'est généralisée sous toutes ses formes. Et voici que Dieu ouvre une ligne directe entre Lui et nous! Loué soit-il en son Royaume!

Parole splendide que je souhaite à beaucoup de chrétiens, non pas de dire, mais de penser!

Samedi 19 mars

Aujourd'hui, Myrna et Nicolas nous quittent pour les États-Unis. Tous les accompagnent de leurs prières. A l'âge de Myrna, il n'est pas facile de défier l'Amérique. En accord avec le P. Malouli, je leur confie une lettre à remettre au docteur Mansour et à son épouse. Nous leur rappelons leur grande responsabilité dans cette tournée providentielle. Nous y insistons surtout sur la primauté de la prière et les prévenons contre toute séduction possible face au dollar, aux médias et aux soirées mondaines. Soufanieh est de Dieu et il faut qu'elle reste sous le regard de Dieu.

Je remets également à Nicolas et à Myrna une lettre que je leur recommande de lire de temps à autre. Car tous deux ne s'appartiennent plus, mais ils appartiennent au Seigneur, et rien en dehors du Seigneur n'a le droit d'accaparer leurs sentiments, désirs et aspirations.

Malgré tout, le P. Malouli et moi-même demeurons quelque peu inquiets!