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Retour à Damas

Mercredi 18 novembre

Dès mon arrivée à Damas, je passe tout d'abord par Soufanieh. Le P. Malouli m'y attend, de même que Nicolas, Myrna et quelques amis. L'intérieur du patio a été transformé. Je m'en réjouis, d'autant que les modifications sont simples. Je prie un moment. Puis, je monte à la terrasse. Surprise : on en a pavé le sol, et l'on a dressé au centre un piédestal sur lequel se dresse la statue de la Sainte Vierge, offerte par le P. Antoine Moallem. Je regarde attentivement dans l'ouverture du piédestal et j'y vois la trace de l'huile. Je félicite Nicolas pour l'aménagement de la terrasse. Il me dit que durant la restauration du patio, la prière commune et quotidienne se faisait sur la terrasse. Elle regroupait parfois jusqu'à soixante-dix personnes.

Je m'exclame :

- Soixante-dix? Mais tu n'as pas eu peur que la terrasse ne s'effondre? La maison est vieille et les murs ne pourraient pas supporter ce nombre, outre le poids du béton, des pavés, du piédestal et de la statue!

Nicolas a alors cette réponse aussi rapide qu'étonnante :

- Quand même, Père, tu oublies que ce n'est pas la terrasse qui supporte la Vierge et les gens, mais c'est la Vierge qui nous porte tous!

Cette réponse admirable et spontanée me remplit d'action de grâce.

Vendredi 20 novembre

L'huile coule de l'Icône en présence de pèlerins français.

Ce soir, je reviens à l'église à 20 heures. Je téléphone aussitôt à Soufanieh. J'apprends de Myrna que l'huile a coulé de l'Icône et qu'elle continue de couler. En deux minutes, je suis devant l'église. Quelques-uns des membres de la chorale sont toujours là. Je leur annonce la nouvelle. Fadi Touma monte dans sa voiture, la charge d'un bon nombre de choristes et nous emmène à Soufanieh. Les gouttes d'huile ne cessent de tomber dans la coupelle de marbre. Des fidèles nous y ont précédés. Chants et prières alternent un bon moment. Je suis heureux d'apprendre que le groupe de pèlerins français, conduits à Damas par M. Pierre Sorin, a bien vu l'huile couler de l'Icône. Le P. Malouli les accompagne. C'est la veille de la fête de la Présentation de la Vierge au Temple.

Deux jours après, j'ai la joie de voir mon ami le général de police Georges Bdéoui m'apporter son témoignage écrit sur cet écoulement d'huile qu'il a été le premier à voir au moment où il s'est produit Le a rédigé son témoignage sans avoir été sollicité par quiconque.

Samedi 21 novembre

Le soir de ce jour-là, a lieu ma première rencontre avec les pèlerins français, à Soufanieh. Certains me disent leur grande émotion devant le spectacle de l'écoulement de l'huile, qu'ils voient pour la première fois. Je veux connaître leur programme pour le jeudi 26 novembre. Ce jour-là, ils doivent être à Palmyre, qu'ils escomptent quitter à 13 heures pour être à Damas autour de 17 heures. J’en suis contrarié.

Je prends à part M. Sorin, responsable du groupe, ainsi que leur guide syrien, M. Georges Bahri. Je leur suggère avec quelque insistance de changer le programme de façon à être à Damas avant 16 heures. «Palmyre restera toujours à sa place, leur dis-je, et vous aurez toute possibilité de la voir bien longuement lors d'un second voyage. Quant à Soufanieh, l'événement qui s'y est produit et qui pourrait s'y produire encore, le soir du 26 novembre prochain, est unique. Ce serait impardonnable de votre part de rater cette expérience

Ils ont de la peine à admettre cet argument. Finalement, M. Sorin cède et je rends Georges, leur guide, responsable de la bonne exécution du programme. J'y tiens d'autant plus qu'ils s'estiment être des pèlerins et non des touristes.

Ce soir-là, je remarque avec joie la qualité de la prière de ce groupe de Français : ils disent tout le rosaire, plaçant des chants et de nombreuses intentions entre les dizaines. Les jeunes parmi eux ne sont pas rares.

Lundi 23 novembre

C'est une journée à surprises.

Le matin, je rends visite à mon ami, le P. Ibrahim Mousleh, pour m'excuser auprès de lui et de son fils, le P. Antoine, pour n'avoir pas pu assister à son ordination sacerdotale, qui a eu lieu la veille à la cathédrale. Je les rencontre en route, tout près de leur quartier. Rentrés avec eux à la maison, le jeune P. Antoine me fait la surprise de m'annoncer qu'il a été témoin de l'écoulement de l'huile à Soufanieh, le soir du vendredi 20 novembre. Ses yeux sont illuminés de joie et de fierté. J'en suis très heureux pour lui.

Ainsi, il a vu l'huile couler la veille même de son ordination. C'est un signe qu'il ne pourra jamais oublier et qui lui sera d'un grand secours, car le sacerdoce n'est pas chose facile. Je le lui dis, puis, devant son père, je le presse d'écrire son témoignage :

- Je crois que ce sera le premier texte que tu auras écrit depuis ton ordination. Et j'ajoute en souriant : La Sainte Vierge te le revaudra.

Il me répond:

- C'est vrai, ce sera le premier texte que j'écris depuis mon ordination. Je le ferai sans faute, et j'en suis fier.

Deux jours après, il me remet en mains propres son témoignage.

Je vais ensuite au patriarcat pour présenter mes condoléances au P. Élias Sargi pour le décès de sa soeur Nour. Il me dit entre autres qu'ils m'attend avec impatience pour me raconter ce qui s'est passé à Beyrouth et qu'il a vu de ses propres yeux : l'écoulement d'huile d'une image de Notre-Dame de Soufanieh, chez un de ses parents, Maged Ghrayeb. Je lui réclame aussitôt son témoignage écrit. Il m'assure que M. Ghrayeb viendra bientôt à Damas et visitera Soufanieh. Il ne manquera pas de nous donner son témoignage écrit. Il songe aussi à faire imprimer des images de Notre-Dame de Soufanieh, en action de grâce.

A midi, je prends le repas à la table du nonce apostolique. Je lui raconte brièvement mon voyage en France et en Allemagne, et lui dis que, probablement, le P René Laurentin viendra à Damas. Nous conversons un peu sur Soufanieh, en présence de son nouveau secrétaire, Mgr Eliseo Arioti. Le nonce me précise avoir rencontré Sa Sainteté le patriarche syriaque-orthodoxe Zakka, qui ne lui a pas caché sa sympathie pour Soufanieh et qui lui a dit avoir été informé du Phénomène par "un prêtre catholique".

Après le repas, nous entrons tous trois dans la chapelle pour un moment de prière. Je vois la tâche d'huile sur la moquette, me penche jusqu'au sol et la respire : il n'y a pas de doute, c'est bien l'odeur caractéristique de l'huile d'olive.

Avant de quitter la nonciature, je m'excuse auprès du nonce pour le retard mis à lui remettre, avant son départ pour l'Italie, les six exemplaires de mes mémoires sur Soufanieh. Ce retard était dû au fait que j'avais confié la dactylographie de ces mémoires à ma soeur religieuse, Lucie, qui était par ailleurs prise par son travail habituel.

Le soir de ce lundi, je rends visite à mon ami, le dentiste Élie Barsa. J'apprends que mon cousin Ibrahim et sa femme, que je n'ai pas vus depuis de longues années à cause de la guerre du Liban, seront chez lui.

Durant cette soirée, on parle bien entendu abondamment de Soufanieh. Il y a là des personnes qui refusent le Phénomène en bloc. Je le sais. Apprenant que mon cousin et sa femme comptent quitter Damas le lendemain, j'insiste pour qu'ils restent jusqu'au vendredi 27, dans l'espoir qu'ils soient témoins de "quelque chose" à Soufanieh, le soir du 26. «Car la Sainte Vierge, ai-je ajouté, nous a habitués à des surprises lors de ses anniversaires>

J'invite aussi, pour ce 26 novembre, mon ami Georges Horanieh, de même qu'Antoine Makdisi et la pianiste Mme Elza Maatouk, femme du docteur Riad Maatouk.

Mercredi 25 novembre

Rencontre avec des prêtres du Prado et arrivée du P. Laurentin.

La réunion des prêtres du Prado doit commencer à 18 heures, au Mémorial Saint-Paul. Je suis gêné de devoir quitter cette réunion pour aller accueillir le P. Laurentin à l'aéroport, vers 19 heures.

En effet, le P. Jean Jamous m'a déjà parlé du malaise que ressentent l'un ou l'autre des pradosiens, «parce que Soufanieh envahit quelquefois nos échanges».

Je rencontre le P. Jamous à 18 heures. Peu après arrive le P. Massoud de Homs. Nous mettons au point le programme de notre rencontre, puis je m'excuse à cause du P. Laurentin. Il a été décidé qu'on consacrera la matinée du lendemain à notre rencontre.

Je pars aussitôt à l'aéroport avec mon ami Adib Mousleh.

De l'aéroport, nous allons directement à Soufanieh, où l'on nous attend. Le P. Laurentin, fidèle à lui-même, est souriant et calme. Par contre, le P. Malouli, contrairement à ses habitudes, veut tout "déballer" devant le P. Laurentin. On dirait qu'il veut, d'un coup, lui expliquer tout sur Soufanieh. Je m'en étonne et réussis à le prendre à part pour lui suggérer plus de calme, afin d'éviter au P. Laurentin un surcroît de fatigue. Le P. Malouli accueille ma remarque avec humilité.

Nous nous dirigeons vers la nonciature, car le nonce a exprimé le désir de voir le P. Laurentin dès son arrivée. Notre ami Adib Mousleh emmène dans sa voiture les PP. Laurentin et Malouli. Moi-même, je monte avec Myrna et la petite Myriam dans la voiture de Nicolas. En cours de route, Myrna dit une chose qui me surprend beaucoup:

- Je sens que quoi qu'il arrive demain, je dois voir Sa Béatitude le patriarche Hazim, et lui dire tout ce qui m'arrive.

Je lui demande:

- Est-ce une conclusion personnelle ou y a-t-il un signe auquel tu te soumets?

Elle répond: - C'est tout simplement un sentiment intérieur.

A la nonciature, nous attendent le nonce, son secrétaire et l'attaché commercial de l'ambassade d'Italie à Damas, le docteur Bocchi. Nous passons un moment au salon, puis nous entrons à la chapelle. Tout le monde se regroupe ensuite dans le hall d'entrée. J'éprouve une sorte de gêne intérieure, car je m'attendais à l'exsudation d'huile des mains de Myrna au moment où nous nous trouvions encore dans la chapelle.

Tout à coup, Nicolas me dit: - Père, regarde les mains de Myrna!

Ses mains sont luisantes, mais obstinément jointes. Myrna se tient en face du nonce. Je lui demande d'ouvrir les deux mains. Elle fait la sourde oreille et reste dans l'attitude de quelqu'un pris en défaut. Je lui prends alors les deux mains, tout en m'excusant, et les lui ouvre : l'huile les couvre abondamment. La surprise saisit tout le monde, mais particulièrement le P. Laurentin. Je le prie de humer les deux mains de Myrna que je présente à la hauteur de son nez. Il sent, essuie les mains avec deux doigts et fait un signe de croix sur son front.

Durant tout ce temps, chacun garde le silence. Les religieuses de la nonciature, manifestement émues, s'empressent d'essuyer les deux mains de Myrna.