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L'extase du 7 septembre 1987

J'arrive à Soufanieh vers 17 heures 30, en compagnie de quelques jeunes de la chorale. Déjà la maison est pleine de monde, dans la cour et le salon.

Le P. Malouli prie le chapelet, tandis que la caméra est braquée sur l'image de la Vierge, comme pour guetter le moment de l'écoulement de l'huile.

A 18 heures, nous commençons le chant de l'Acathiste. Au bout d'un moment, il y a un certain remue-ménage derrière moi: je me retourne dans la direction de la chambre de Myrna. J'y vois le flash de la caméra allumé.

J'en remercie le Seigneur, car j'ai invité pas mal de gens, m'attendant à ce que "quelque chose" se produise. Entre autres personnes, j'ai convié May Abou-Hamad, femme de M. Georges Médiaty qui vient d'arriver de Paris.

A un certain moment, j'entre dans la chambre, je vois le P. Boulos Fadel et le P. Joseph Malouli près du lit sur lequel Myrna est étendue, le visage crispé à cause de l'huile qui sort de ses yeux.

La foule est devenue plus dense et, pour la première fois, relativement bruyante. Je dois alors intervenir et arrêter la prière un moment pour rappeler aux gens qu'on est là pour prier et non en curieux. Puis nous essayons d'organiser l'entrée et la sortie des gens de la chambre, pour qu'ils voient Myrna en extase : nous n'avons rien à cacher...

A la fin de l'Acathiste, le P. Malouli se faisant trop attendre, j'invite la chorale à reprendre des chants à la Vierge, puis j'entre et vois Myrna pleurer. C'est la première fois que cela lui arrive au sortir d'une extase. Est-ce un message de menace apocalyptique? C'est la première idée qui me vient à l'esprit. Les pleurs de Myrna se prolongent.

Je ressors dans le patio, après avoir entendu dire par le P. Boulos Fadel que Myrna ne veut personne, même pas les prêtres.

Les gens attendent toujours un message, comme d'habitude...

Je dois leur dire que Myrna ne cesse de pleurer et que nous ignorons le message, si message il y a, car elle ne dit rien. J'invite les gens à prier pour elle et à se retirer, quitte à leur communiquer, dans les jours suivants, le message, s'il existe.

Lentement, la foule commence à se retirer.

Au bout d'un moment, tandis que de nombreuses personnes continuent à prier devant l'Icône, seuls les prêtres entrent dans la chambre de Myrna. Celle-ci semble atterrée, contrairement aux extases précédentes. Nous nous asseyons autour d'elle : les PP. Joseph Malouli, Élias Baladi, Boulos Fadel et moi-même. Nous lisons et relisons le message pour essayer d'en comprendre, si possible, la portée. Il nous paraît dur et inquiétant...

Après un long moment d'échange, nous invitons Myrna à plus de prière et à une fréquentation plus régulière des sacrements. Puis, nous appelons son mari Nicolas, et nous parlons... Pour lui, "ce message" est le plus grand qui ait été donné à Soufanieh. Et, chose curieuse, il affirme cela avant d'en avoir pris connaissance. Quand il prend connaissance de ce message, il reconnaît à son tour qu'il doit lui aussi intensifier sa prière personnelle et sa prière avec Myrna.

Nous sortons alors de la chambre et nous prions devant l'Icône de la Vierge. Nous sommes depuis un bon moment à prier en silence, quand Myrna entonne ce chant significatif :

«Tu as su que mon chemin s'est brouillé, tu es donc venu pour conduire mes pas. Tu sais que je suis éprise d'amour pour Toi, Je n'ai pour mon chemin d'autre compagnon que Toi 0 mon Dieu, ô mon Dieu ... »

Cette extase a duré 14 minutes exactement : de 18 heures 31 à 18 heures 45.

Chose remarquable : en voyant Myrna pleurer au sortir de l'extase, le cameraman Nabil Choukair dit textuellement à Nicolas :

- Nicolas, c'est certainement un message pour Myrna et je crois que le Seigneur "lui frotte les oreilles"! (expression arabe pour signifier une bonne réprimande).

Pour moi, le message me rappelle ma responsabilité sur le plan de la prière : aussi bien prière personnelle que prière pour Myrna.

Le lendemain, me trouvant à Bloudane, en session annuelle avec les jeunes de la paroisse universitaire, je téléphone à Myrna pour deux raisons : m'enquérir de sa prière et avoir des nouvelles de leur petite Myriam qui est tombée avec sa poussette de l'escalier d'entrée, le matin du 8 septembre, C'est alors que Myrna me dit ceci :

- Père, j'ai prié devant l'Icône jusqu'à trois heures et demie du matin. Et quand je me suis levée, j'ai vu un peu d'huile dans la cupule. Mais pour moi, ça équivaut à plus de vingt litres! Myriam va bien : qu'elle n'ait rien eu dans sa chute, c'est le signe que le Seigneur continue de nous bénir. Qu'il en soit béni!

Le 13 septembre, le P. Boulos Fadel nous rejoint à Bloudane et me dit que l'huile a coulé en quantité de l'image, la veille, devant Myrna en prière. Je téléphone, faisant semblant de ne rien savoir, et j'apprends de Myrna que, invités, elle et son mari, par leur ami M. Saba Kouba, à passer la soirée du 12 et du 13 septembre à Maloula - où la fête de la Croix prend un aspect de beuverie durant toute la nuit -, Myrna a voulu prier et demander un signe de la Vierge, pour savoir si Elle ne désirait pas qu'elle aille à Maloula et, aussitôt, l'huile a coulé de l'image et a semblé bouillir au fond même de la cupule, au point de la remplir presque. Elle en était si heureuse! Il y avait de quoi, après un tel message.

Je dois ajouter que ce message nous pousse tous, plus que jamais, à une prière plus intense à l'intention de Myrna. Et c'est avec joie que je la recommanderai aux religieuses carmélites d'Alep quand, quelques jours après, je leur rendrai visite et leur parlerai, à leur demande, de Soufanieh, et célébrerai la divine Liturgie avec elles. Ma joie sera décuplée quand, après la célébration de la Liturgie, la Mère prieure me dira au parloir:

- Père, soyez sûr que nous avons adopté Myrna dans notre prière.