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Deuxième visite au patriarche syriaque-orthodoxe

Le lundi 24 août, je me présente au patriarcat syriaque-orthodoxe à 9 heures 30.

Même accueil chaleureux et simple du Patriarche.

Toute notre entrevue tourne sur Notre-Dame de Soufanieh. Elle dure 1 heure 40. Cette fois-ci également, le patriarche s'assied dans un fauteuil à côté de moi. Entre lui et moi, il y avait le téléviseur et un magnétoscope.

Je commence par présenter au patriarche le dossier complet que le P. Malouli a préparé sur Soufanieh, et que nous avons l'habitude de donner à qui s'y intéresse.

Le patriarche ne connaissant pas le français, je retire les documents en français, en lui promettant de les lui traduire, chose que nous devons d'ailleurs faire depuis longtemps.

Le patriarche préfère écouter l'histoire du Phénomène. Je le lui raconte, en tant que témoin.

Il m'écoute avec une attention mêlée d'étonnement et entrecoupée, de temps en temps, de cette question qu'il me pose, me fixant des yeux:

- Tu avez vu toi-même, Père Élias, ce que tu racontes? C'est bien, continue!

De temps en temps, quand le téléphone sonne et qu'il se lève pour y répondre, je lui dis :

- Sainteté, je vois que j'ai pris beaucoup de ton temps.

Sa réponse est immanquablement:

- Au contraire, je suis heureux de t'écouter et de savoir par toi ce qui s'est passé à Soufanieh.

Quand je lui parle des vidéocassettes, le patriarche m'exprime son désir de les voir - il possède un appareil VHS. Je suis vraiment heureux de lui répondre :

- Sainteté, nous serons heureux de te les offrir. Vous pourrez les garder. Ce sera un souvenir de Soufanieh.

Quand j'ai terminé, le patriarche me dit:

- Vraiment, l'homme est ennemi de ce qu'il ignore (c'est un proverbe arabe très connu). Tout cela, je l'ignorais complètement. Comme je te remercie de me l'avoir raconté. Je serai heureux de prendre connaissance des documents et de voir les vidéocassettes, quand il te sera possible de me les apporter.

De notre conversation, je retiens essentiellement:

1. A propos du communiqué rédigé par le patriarcat grec-orthodoxe, daté du 31 décembre 1982, le patriarche dit:

- Mais comment n'ai-je jamais eu entre les mains ce document officiel?

2. Sa Sainteté veut savoir quelque chose sur "l'arrière-fond" de la maison de Soufanieh, c'est-à-dire sur les différentes accusations de sorcellerie ou de spiritisme qui ont couru à ce propos. Je lui dis alors très franchement les autres accusations lancées contre les gens de Soufanieh ou les prêtres concernés.

Je lui dis entre autres qu'il s'est passé quelque chose à Soufanieh, dont j'ai été témoin - que seuls connaissent en partie le P. Malouli et Antoine Makdisi - et qui m'a fait envisager une possibilité diabolique, ce que j'ai fini par éloigner totalement de mon esprit.

3. A un moment, le patriarche me regarde longuement et me dit:

- Père Élias, comme tu as dû souffrir en faisant face à tant de difficultés!

- Sainteté, c'est toujours beaucoup plus facile de faire face aux gens, quels qu'ils soient, que de faire face à Dieu, le jour où Il nous dira : "ce que je t'ai donné, qu'en as-tu fait? " Et nous y passerons tous.

Avant de partir, je redis au patriarche que je me ferai un devoir de lui apporter mon journal personnel, dont, seul, le P. Malouli possède un exemplaire, le lui confiant - s'il le veut - comme un fils confie ce qu'il a de plus précieux à son père.

Sa Sainteté m'assure de toute sa discrétion et confiance.

Le patriarche exprime le désir de connaître l'attitude du nonce apostolique à Damas. Je ne lui cache pas comment Son Excellence Mgr Rotunno m'a fait parvenir, près de deux ans après le début du Phénomène de Soufanieh, une petite note très discrète pour avoir une relation détaillée sur les faits. Et comment, par la suite, il a continué à suivre pas à pas, avec le plus grand respect pour les autorités religieuses locales, les événements de Soufanieh. Et j'ai la joie alors d'entendre le patriarche dire :

- Cela ne m'étonne pas. Ce nonce m'a toujours fait l'impression d'un homme profondément croyant et humble. C'est un véritable pasteur.

Je quitte le patriarche syriaque-orthodoxe, le coeur plein de joie et d'action de grâce.

Je passe aussitôt chez le P. Malouli lui dire les différents points de cette rencontre. Il en est heureux comme un enfant. Myrna et Nicolas aussi l'apprennent et je suis sûr qu'ils ont dû beaucoup prier.

Antoine Makdisi, après m'avoir longuement écouté sur ma rencontre avec le patriarche Zakka, à cette réponse:

- Cela ne m'étonne pas : cet homme m'a toujours fait l'impression d'être un homme de Dieu.

De cette deuxième rencontre avec le patriarche syriaque-orthodoxe, je rends compte aussi à Son Excellence Mgr Rotunno. Mais je préfère ne rien lui dire de l'opinion de Sa Sainteté à son égard, de peur qu'il y sente une attitude de flatterie...

Et encore une fois, je touche du doigt la vérité de ce que nous nous sommes dit, le P. Malouli et moi-même, des dizaines de fois :

- Tout vient en son temps. Le Seigneur et la Vierge nous conduisent par le bout du nez.