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Deux Français à Soufanieh : le P. Veau et le journaliste R. Piétri

Depuis un certain temps, je remarque à Soufanieh la présence d'un prêtre étranger. C'est un prêtre français, venu de Mauritanie, pour faire des cours d'arabe. Il doit y retourner enseigner les mathématiques dans les écoles du gouvernement. Il loge au patriarcat grec-catholique. Il a entendu parler de Soufanieh et a été saisi par l'ambiance de prière. Il s'y rend de temps en temps, sans avoir rien "vu" d'extraordinaire.

On me dit qu'il doit venir à Soufanieh le dimanche 27 octobre avec un journaliste français du nom de Robert Piétri, à qui il a parlé de ce Phénomène. Le P. Malouli me demande d'être présent. A mon arrivée, aux environs de 20 heures, ils sont au salon, à regarder les vidéocassettes. J'apprends qu'ils sont arrivés vers 17 heures 30.

Je resterai avec eux jusque vers 23 heures 40, puis je me retirerai, non sans m'être mis d'accord avec M. Piétri sur un rendez-vous pour le lendemain après-midi à 16 heures, à l'hôtel Cham, où il est descendu.

Le lendemain, deux de nos paroissiens sont décédés : feu Joseph Farah et feu Yvonne Wahch. Il m'est donc impossible d'être ponctuel au rendez-vous. Je téléphone au P. Veau pour l'en prévenir et il me surprend en m'annonçant que l'huile est apparue sur les mains de Myrna, la veille, une demi-heure après mon départ, pendant une prière par laquelle ils ont voulu clore cette longue séance d'information. Le P. Veau me dit sa grande émotion et m'assure de celle de M. Piétri.

Pour ma part, j'exulte, sans m'étonner outre mesure, y voyant, comme je le dis au P. Veau, une récompense de la Vierge à l'intérêt que lui a témoigné en premier lieu M. Piétri.

Je téléphone aussitôt à M. Piétri, pour m'excuser du retard forcé. Il me dit à son tour sa grande émotion, m'assurant qu'il m'attendra, quel que soit mon retard. Je suis heureux de la persistance de l'impression qu'il a ressentie.

A 17 heures 30, j'arrive à l'hôtel Cham, dans la chambre de M. Piétri. Le premier mot qu'il me dit est celui-ci :

- Père, je me sens en face d'une supercherie monstre, monstre, monstre ! ... ou en face d'une intervention divine... Devant votre conscience d'homme, qu'en pensez-vous?

- Je suis prêtre, et devant ma conscience de prêtre, je vais vous dire ce que j'ai vu. A vous ensuite de décider ce qui vous plaira.

Il me demande l'autorisation de noter ce que je compte lui dire. Je n'y trouve aucun inconvénient, bien au contraire.

Avant de lui dire quoi que ce soit, je lui présente quelques documents, dont celui du P. Mouaffak AI-Id, vicaire de l'évêque du Hauran, traduit en français, sur ce qui s'est passé à Khabab, fin février 1985. Je lui donne aussi une photocopie du rapport secret que j'ai remis au nonce apostolique, le 21 juillet 1983, et dont personne n'a encore pris connaissance.

Ensuite, je lui raconte durant près de deux heures les principaux faits de Soufanieh, comme je les ai vus de mes propres yeux.

De temps en temps, naturellement, il me pose des questions auxquelles je me sens - sans savoir pourquoi au juste - poussé à répondre avec une totale confiance.

A la fin, je l'invite à visiter Khabab le mercredi 30 octobre, et lui affirme qu'on l``y emmènera avec plaisir. En effet, j'ai convenu avec un ami, le général Georges Bdéoui, qu'il nous conduise dans sa voiture, au cas où M. Piétri accepterait. Ce dernier accueille favorablement ma proposition.

Le mercredi 30 octobre, à 3 heures 30 de l'après-midi, nous allons à Khabab, M. Piétri, le P. Pierre Veau, Myrna, Nicolas et moi-même. Le général Bdéoui est au volant de sa voiture.

L'évêque de Khabab a été prévenu de notre arrivée. Accueil habituel, où ne manque jamais le café amer. Au salon, M. Piétri pose à l'évêque cette première question :

- Monseigneur, je vous pose cette question en votre qualité de responsable dans l'église : que pensez-vous de Soufanieh ?

La réponse de l'évêque est claire, je la résume :

1. Les miracles sont oeuvres de Dieu.

2. Toute chose étrange n'est pas miracle.

3. Ce qui se passe à Soufanieh est du Seigneur, parce que nous avons touché et touchons jusqu'à maintenant l'effet spirituel de ce qui s'est passé chez nous, il y a déjà de nombreux mois. L'évêque affirme que c'était alors sa première rencontre avec Myrna.

L'évêque est assis au milieu, à côté du siège central du salon. Myrna a pris place, sur son invitation, à sa droite. M. Piétri est à sa gauche, mais dans la rangée qui prolonge le rectangle des fauteuils.

Moi-même, à gauche de M. Piétri. Nicolas et le P. Pierre Veau sont assis en face de nous. Les prêtres de l'archevêché sont dispersés ici ou là.

L'évêque commence à raconter ce qui s'est passé à Khabab', fin février 1985. Cela me rappelle un fait d'importance et un témoin qui peut aussi apporter son témoignage : le professeur de littérature arabe à Khabab, M. Louis Rizk. J'en fais part à l'évêque qui m'encourage à l'appeler.

Louis, invité par téléphone, ne tarde pas à venir. Une fois les présentations faites, je prie Louis, après que Monseigneur a terminé son récit, de nous dire ce qui lui est arrivé quand il s'est précipité sur Myrna dans le bureau du vicaire, pour lui réclamer de l'huile.

Je regarde Louis en imitant son geste, quand, tout à coup, Monseigneur me dit d'un ton quelque peu abrupt :

- Père Élias, arrête ! Regarde les mains de Myrna !

En effet, les deux mains de Myrna sont couvertes d'huile. Elle les tend très simplement, sans dire un mot. M. Piétri s'approche d'elle avec un respect évident et lui touche les mains, puis il sent ses propres mains :

- C'est bien de l'huile !

Un moment passe, plein de questions et d'étonnement. Nicolas se lève et dit :

- C'est le moment de la prière à Soufanieh.

J'invite alors tout le monde à prier en union avec Soufanieh. Nous descendons à la chapelle de l'archevêché où a été placée l’image miraculeuse. Tout le monde est là. Nous prions. A la fin de la prière, nous voyons à nouveau les mains de Myrna inondées d'huile, alors qu'on les lui avait bien essuyées.

De retour au salon, Louis raconte «son fait», non sans mentionner son attitude plus que réservée auparavant. Puis M. Piétri engage la conversation avec Monseigneur et lui pose toutes sortes de questions.

A 20 heures, nous quittons l'archevêché pour rentrer à Damas.

Sur le chemin du retour, à quelques kilomètres de Damas, je cherche à savoir dans quelle mesure M. Piétri est occupé à la fin du mois de novembre. En fait, il doit quitter Damas pour le Caire, puis de là, se rendre à Paris, pour être à la fin du mois en Pologne.

Je lui demande alors s'il peut être à Damas les 26 et 27 novembre. Il me répond pourquoi.

Je lui dis qu'il s'agira du troisième anniversaire du Phénomène. Juste à ce moment Nicolas crie :

- Père, regarde les mains de Myrna !

Les mains de Myrna sont de nouveau couvertes d'huile... rien qu'à la pensée du troisième anniversaire.

Arrivés à Soufanieh, nous voyons, debout devant l'image à la porte extérieure - il est plus de 21 heures -, une jeune fille qui prie : Myrna la reconnaît et va la saluer. C'est une jeune femme médecin. Nous entrons, prions encore une fois et M. Piétri tient à prendre de nouvelles photos.

Le dimanche, il nous quitte pour Le Caire.

A Damas, il est chargé de cours au Centre arabe d'information, en accord avec le gouvernement syrien, la Ligue arabe et le gouvernement français. Depuis, il enseigne le journalisme à la Sorbonne, à Paris.

Durant le mois de juin 1986, je le rencontrerai à Paris, où nous passerons un moment à parler, bien entendu, de Soufanieh, Je lui demanderai un témoignage écrit sur ce qu'il a vu, aussi bien à Damas qu'à Khabab. Il est tout à fait disposé à le faire. Hélas, à ce jour, je n'ai pu l'obtenir.

Avant de clore ce chapitre, je signale que cette visite à Khabab, avec Myrna et M. Piétri, a été l'occasion du premier contact du général Georges Bdéoui avec Soufanieh. Depuis lors, il se sent engagé au point de ne plus s'absenter de la prière quotidienne. Tout dernièrement, entendant le général Bdéoui dire sa position antérieure, j'en ai été si étonné que je lui ai demandé son témoignage à verser au dossier. Il l'a fait sans hésitation.

 

PREMIER TÉMOIGNAGE

DU GÉNÉRAL DE POLICE GEORGES BDÉOUI

Est-ce que tu as cru parce que tu as vu? Heureux sont ceux qui croient sans avoir vu! Saint Jean 20,29

Les événements de Soufanieh ont commencé, autant que je m'en souvienne, en 1982. Je commençai à entendre de nombreuses personnes, témoins de l'huile qui exsudait d'une image de la Vierge ou des mains de Myrna. Mais je ne visitai pas Soufanieh, bien que je ne doutais pas une minute des faits relatés et je me disais toujours : «Je crois à la Sainte Vierge, à sa Puissance et à son rôle dans l’église. Eu je n'ai pas besoin de quoi me renforcer dans cette foi. La vue de l'huile n'augmentera pas ma foi, et ne pas voir l'huile ne la diminuera pas.»

Je ne sais si j'ai raison dépenser ainsi, mais c'est ainsi que j'ai vécu ma foi -que je la pratique ou non. Je n'ai jamais cherché à visiter un sanctuaire, ou le tombeau d'un saint. Même, il ne m'est jamais arrivé, toutes les fois que je visitai le couvent de la Vierge à Sednaya, d'en visiter le sanctuaire, sauf quand j'ai accompagné ma mère - que Dieu ait son âme! - qui voulait s'acquitter d'un voeu.

Comment donc me suis-je trouvé à Soufanieh soudain? Cela nécessite un témoignage que je donne, bien que tardivement:

Cela date de l'hiver 1985. Je me trouvais à Khabab, pour l'enterrement d'un ami. Aussitôt après, je m'en allais - comme j'ai toujours l'habitude de faire - à l'archevêché pour voir Mgr Boulos Bourkhoche, l'évêque du lieu, et ses vénérables prêtres. Je leur porte à tous un très profond respect et je me sens lié à eux par une profonde affection.

Je constate ce jour-là que l'archevêché était plein de visiteurs. Je sus que Myrna et son mari Nicolas étaient les hôtes de l'archevêché et que des foules venaient participer à la prière qui avait lieu à la chapelle de l'archevêché. J``y passai un moment, puis j'accompagnai Son Excellence et ses prêtres à l'eglise-cathédrale pour assister aux Grandes Complies.

Après la prière, nous revînmes à l'archevêché. Si j'ai bonne mémoire, le frère de ma femme, M. Ghazi Al-Khoury, nous accompagnait. J'entrai avec Monseigneur pour lui dire au revoir, tandis que Ghazi était resté dans la cour extérieure. A peine étions-nous entrés que quelqu'un vint nous dire : «Monseigneur, la Vierge est là à pleurer et nous avons placé l'image dans la chambre du P. Mouaffak (le Père vicaire)»

Je me dirigeai, avec Monseigneur, le P. Mouaffak et M. Georges Zaraane, vers la chambre à coucher du Père vicaire, qui se trouve dans le coin sud-ouest de l'évêché. J'y vis une grande image de la Sainte Vierge, adossée au mur oriental de la chambre, sur une table ou un placard - je ne m'en souviens plus. Deux larmes descendaient des yeux de la Vierge. Aussitôt, le P. Mouaffak entonna le chant: "Seigneur, sauve ton peuple..." Nous chantâmes avec lui.

Puis, le P. Mouaffak apporta une caméra et prit plusieurs photos. Je profitais du fait qu'il n'y avait personne d'autre dans la chambre pour observer l'image sous tous les angles et j'en examinais tous les détails, sans du tout douter de la vérité de ce que je voyais.

Deux choses attirèrent mon attention :

La première : La trace des larmes remplissait la surface totale des deux yeux. On aurait dit que les deux yeux étaient remplis de larmes avant qu'elles n'aient coulé.

La deuxième : Sur l'extérieur de l'image, aucune trace d'huile, soit sur le verre, soit sur les trois côtés du cadre, ceux de droite, de gauche et du haut... alors que je voyais l'huile sourdre de l'intérieur de l'image, au point de jonction du verre avec le côté inférieur du cadre en plastique, au point de s'agglutiner sur cette partie du cadre, puis de glisser lentement sur le support en marbre de l'image, retombant sous forme de gouttes qui se condensaient au milieu, à droite et à gauche de ce support. Je n'eus pas un instant l'idée de compter le nombre de gouttes que j'ai vu tomber dans la cupule, tellement j'étais pris par le spectacle de cette petite source jaillissant de cette petite icône...

Gloire à Dieu, et merci à la Vierge qui nous ont permis de voir ces merveilles!

Le général en retraite Georges BDÉOUI Damas, ce 11 décembre 1987.