48

La grande et étrange extase du 26 novembre 1984

Ce qui arrive cette nuit-là est précédée d'un fait qu'il faut mentionner. L'une des amies de Myrna, Mlle Hana' Janane, musulmane, en dira un aspect dans un témoignage écrit, fait sur ma demande expresse, et que je garde précieusement. En voici une partie :

«A travers mes multiples visites à Myrna et la connaissance que j'avais d'elle, naquit entre nous une amitié qui me permettait de savoir si quelque chose la préoccupait ou non.

Le mercredi 10 novembre 1984, j'étais chez elle, et je remarquai sur son visage une tristesse et une mélancolie manifestes. J'essayai de savoir ce qui l'inquiétait. Nous nous retirâmes dans sa chambre. La conversation se déroula, quelque peu vague au début, sur ses parents, son mari, ses amis... Elle me laissa pressentir que quelque chose se passerait, quelque chose qu'elle ne pouvait ni assurer, ni nier, et qui aura une forte influence sur son entourage.

J'essayai de comprendre davantage, car j'avais entendu qu'elle avait depuis peu vu la Sainte Vierge et que Celle-ci lui avait confié un secret. J'en étais dautant plus curieuse, et je la cernais par des questions plus précises. Et j'ai pu savoir, durant la conversation, que la Vierge allait lui prendre les yeux pour lui permettre de voir quelque chose de plus grand et de plus admirable.

Naturellement, à mon tour, je lui dis que la Vierge n'est qu'une Mère, et la Mère de tous, et que je jugeais impossible qu'elle puisse lui causer à elle ou à son entourage du tort.

Je lui dis aussi : "Ces paroles sont peut-être le symbole de quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre pour le moment."

Après cela, Myrna me demanda d'être avec ses parents le 27 novembre, et elle me dit que je pourrai atténuer un peu leur réaction si quelque chose se produisait... Je le lui promis. »

L'inquiétude de Hana' n'en est pas pour autant diminuée. Elle essaie donc, de façon très indirecte, d'en parler à son amie Nadia Choukair, et sans l'avoir voulu, elle se trouve en train de lui dévoiler le secret. A son tour, celle-ci ne peut garder le secret et s'en ouvre à Mlle Salwa Naassan, amie intime de Myrna, tout en lui recommandant le silence complet. Mais l'inquiétude de Salwa ne fait que croître, et la voici qui m'en parle, tout en me priant de ne rien montrer à Myrna, de peur qu'elle ne perde confiance dans ses amies.

Je vais donc à Soufanieh et essaie indirectement de faire parler Myma, à partir de la pâleur et de l'inquiétude que je décèle sur son visage. Je n'y réussis pas.

Samedi matin, 24 novembre, je vais de nouveau à Soufanieh, en compagnie du P. Alam Alam, curé de Maarra (à 30 ms de Damas). Nous prions ensemble devant l'Icône miraculeuse.

Puis, nous entrons au salon où se trouve toute la famille en train de regarder le film "Marcellino, pain et vin". Il est environ 9 heures.

Après un moment passé avec la famille, nous exprimons le souhait de prier avec Myrna devant l'Icône. Mais, comme d'habitude, tous viennent prier.

Le P. Alam parti, je reste seul à bavarder avec Myrna. Peu à peu, elle se laisse aller à la confidence et me dit ce qu'il en est de «cette voix qu'elle a entendue». Je lui dis que c'est, peut-être, une tentation du diable pour l'éloigner de la prière. Elle me répond, textuellement :

- Si le démon croit par ce moyen m'éloigner de la prière, eh bien, il se trompe drôlement : Je n'ai jamais autant prié que ces temps-ci !

- Tu as peur ?

Elle me répond très calmement :

- Pas du tout. Je m'en remets totalement au Seigneur et à la Vierge. Mais je suis inquiète pour Nicolas, ses parents et les miens. Comment vont-ils accueillir le fait si jamais je perds la vue ? Je prie pour que le Seigneur leur donne la force.

Le dimanche soir, j'annonce à la messe paroissiale que deux temps de prière seront organisés le lendemain à Soufanieh, à l'occasion du deuxième anniversaire du Phénomène, à 18 heures avec les enfants de la chorale, et à 22 heures avec les grands.

Lundi 26, je me présente à Soufanieh à 9 heures du matin. Myrna est dans le patio. Elle est toute pâle. Je lui dis :

- Fatiguée ?

- Non !

- Tu as peur ?

- Pas du tout !

- Mais tu es drôlement pâle !

- J'ai veillé toute la nuit en prière, en prévision du soir. Je m'inquiète pour Nicolas, mes parents et les siens.

Nous prions alors seuls, et déjà les visiteurs commencent à affluer.

Le soir, à 18 heures, nous célébrons l'acathiste avec une bonne partie des enfants de la chorale. Parmi les personnes présentes, on remarque surtout le diacre et avocat orthodoxe Spiridon Jabbour, le P. Malouli, le chanteur libanais Tony Hanna, le docteur Jamil Marji - à qui j'ai personnellement demandé de venir - et les docteurs : Georges Arbache, urologue, Maha Maarri, généraliste, Élie Barsa, dentiste, et sa femme Najat Zahlaoui, généraliste. Une foule immense se presse dans une atmosphère de prière et de calme étonnants, alors que la prière ne s'est pas interrompue de toute la journée, tant il y a eu de visiteurs.

A 22 heures 40, exactement, Myrna se retire du milieu de la foule. Quelques minutes après, on m'appelle dans la chambre. Là, je trouve Myrna en état d'extase. Dans la pièce se trouvent le P. Malouli, le diacre Spiridon et quelques personnes de son entourage et de sa parenté. Je me mets d'accord avec le P. Malouli, contrairement à l'avis de Nicolas, pour laisser entrer les gens dans la chambre qui se remplit aussitôt de gens en prière. L'huile inonde littéralement le visage et les mains de Myrna, tandis que Nabil, le cameraman fait son travail habituel.

Peu après, je ressors avec Tony Hanna dans le patio et nous poursuivons la prière de l'acathiste avec la foule, qui ne manque pas, une fois l'Hymne Acathiste terminée, de continuer à prier et à chanter suivant l'inspiration du moment.

A 23 heures 20 précises, on me rappelle dans la chambre. Myrna remue la tête lentement, tantôt à droite, tantôt à gauche, ouvrant et fermant les yeux, mais d'une façon toute différente des fois précédentes : elle a placé ses deux mains sous ses yeux pour les dilater ; elle les a tout grand ouverts, tandis qu'elle les tourne dans toutes les directions : plafond, murs, sans être le moins du monde gênée par le projecteur puissant de la caméra.

Tout le monde suit ce spectacle avec surprise et dans le plus grand silence. Seul, le diacre orthodoxe Spiridon chante l'hymne propre à la fête de la Transfiguration, se prosternant continuellement jusqu'à terre et ne prêtant aucune attention à ce qui se passe autour de lui. On le dirait devant le grand autel, à l'église, en pleine cérémonie liturgique.

Tout à coup, Myrna place ses deux mains sur sa bouche et crie en éclatant en sanglots :

- C'est trop, Seigneur !

Cette séquence même, Nabil ne peut la prendre, tant il est ému par le spectacle de Myrna. Il a prié son assistant, Tony Youwakim, de filmer à sa place.

Myrna pleure longuement, secouant la tête et plaçant les deux mains sur son visage et les remuant en signe de perplexité et de résignation.

Son amie Salwa Naassan est à côté d'elle au milieu du lit. Elle se penche vers Myrna et lui chuchote quelque chose, à quoi Myrna répond par un mot. Sur ce, Salwa se tourne vers moi et me dit d'une voix étouffée :

- Elle ne voit pas.

Le P. Malouli est à genoux près du lit. Je m'approche alors et m'agenouille à mon tour, de façon à être très près de Myrna. J'attends qu'elle se calme un peu et lui dis :

- Myrna, qu'as-tu vu ?

- Une lumière forte.

- Comme par le passé ?

- Non, beaucoup plus forte.

- Et à l'intérieur de la lumière ? Lui demandai-je. - Je n'ai rien vu.

- Absolument rien ?

- Non, absolument rien !

- As-tu entendu quelque chose ?

- Pas du tout.

- Qu'as-tu fait ?

- J'ai prié. J'ai demandé pour Nicolas, mes parents et ses parents. J'ai demandé pour le P. Spiridon, le P. Malouli et pour toi-même, pour tous ceux qui ont prié dans cette maison et pour tous ceux qui y prieront. Mais avec la Vierge, on ne blague pas.

- Pourquoi dis-tu qu'avec la Vierge on ne blague pas ?

- Parce que je lui ai toujours dit : je te donne mes yeux pour ceux qui ne voient pas, mon cœur pour ceux qui ont le cœur faible, et mes jambes pour ceux qui ne peuvent pas marcher. C'est vrai : on ne blague pas avec la Vierge !

-Depuis quand pries-tu ainsi ?

-Depuis le début du Phénomène.

- Myrna, tu sais ce qu'a dit la Vierge lorsque l'ange la chargea de sa grande et lourde mission. Elle a dit: "Voici la servante du Seigneur." Et toi, tu ne peux que dire ce mot.

- Père, je dis ce mot, et j'y ajoute la prière que m'a apprise le P. Spiridon : "Seigneur Jésus, aie pitié de moi, pécheresse !"

Ce dialogue se grave à l'instant dans ma mémoire, mais il se déroule comme un murmure entre Myma et moi.

Je me relève et le rapporte au docteur Marji qui se trouve tout près de moi. Il place sa main sur sa tête et me dit :

- Père, où vivons-nous ? Il faut que l'athée vienne pour entendre ces mots et voir pour qu'il croie !

A minuit moins cinq exactement, Myma demande un peu d'eau. Puis elle dit sa volonté expresse de ne rien boire ni manger pendant trois jours, comme elle l'a annoncé quelques jours auparavant, pour célébrer le deuxième anniversaire.

A minuit, elle sort de son lit, se tient devant l'Icône miraculeuse dans le patio, et nous entonnons plusieurs chants à la Vierge. On apporte ensuite un grand gâteau, offert par une dame amie, on y plante deux bougies, puis on chante à la Vierge : "Happy birthday to you". Puis Myrna et son mari Nicolas coupent le gâteau.

Myrna va se recoucher et nous continuons à prier jusqu'à 2 heures 30 du matin. Je demande alors à tout le monde de bien vouloir se retirer pour laisser aux gens de la maison la possibilité de se reposer un peu. Tout le monde se retire. Il ne reste plus que le diacre, P. Spiridon, le P. Malouli et moi-même. Tony Hanna qui a quitté la maison vers minuit et demie, pour sa soirée, revient vers 3 heures 30 du matin. Nous passons tout le reste de la nuit dans le patio, devisant ou priant.

Le diacre Spiridon est tout à fait sûr que Myrna retrouvera la vue dans trois jours, et il y voit une comparaison avec ce qui est arrivé à saint Paul. Il affirme que la lumière qu'elle a vue et voit toujours, intérieurement, est la divine lumière et c'est pourquoi il a commencé dès que Myrna a ouvert les yeux, à la fin de son extase, à chanter le chant propre à la fête de la Transfiguration.

Le P. Malouli et moi-même, nous n'osons rien affirmer.

Peu après 6 heures du matin, le P. Malouli s'en va pour célébrer la messe chez les Sœurs de l'Hôpital français. Moi-même, je quitte la maison à 6 heures 30, avec Tony Hanna qui me dépose à l'église avec sa voiture. Quant au diacre Spiridon, il restera les trois jours à Soufanieh, sans sortir, passant son temps à prier et à méditer.

Ce jour-là, pour la première fois, je reviens deux fois à Soufanieh au cours de la journée. J'apprends que le P. Malouli a porté la sainte communion à Myrna et qu'au moment de recevoir la sainte hostie, des vagues de parfum ont empli la chambre et la maison, au point d'étonner tous les gens présents. Myrna garde le lit, en prière ou en conversant un peu avec ses visiteurs, les reconnaissant à leur voix.

Après la prière du soir, peu après 19 heures, le P. Malouli fait venir le docteur ophtalmologiste, Élie Farah, pour un examen des yeux de Myrna. Moi-même, je demeure dans le patio.

Les voix montent de la chambre de Myma, surtout celle du P. Malouli, d'habitude élevée. Aussi, quand le docteur Farah sort, je le suis jusqu'à la porte extérieure et essaie de comprendre ce qui s'est passé. Pour lui, il pense que Myma est en période dépressive, ce qui peut causer cette cécité momentanée, que n'explique cependant aucune lésion des yeux. Il voudrait lui donner des calmants, mais le P. Malouli s'est énervé et a refusé tout. De même, Myrna a refusé de prendre aucun médicament. Le P. Malouli lui a affirmé que la médecine n'a rien à voir dans ce problème.

Vers 22 heures 30 de cette même nuit, arrive le prêtre orthodoxe Dimitri Maammar. Les gens prient alors dans le patio et la chambre. Il salue Myrna. Le reconnaissant à sa voix, elle lui répond sur un ton de reproche:

- Sois le bienvenu, Père, mais comme d'habitude tu arrives trop tard !

On raconte au P. Dimitri ce qui s'est passé. Il exprime son avis sur tout ce qui se passe à Soufanieh.

Je sors discrètement. Sort avec moi un ami, orthodoxe lui aussi, du nom de Said Khoury, ingénieur civil de 34 ans, qui suit le Phénomène depuis bien longtemps.

Le lendemain matin, 28 novembre, je porte le Saint-Sacrement à Myrna. Le P. Malouli éprouve une certaine fatigue. Le diacre Spiridon est toujours là et chante le chant propre à la Transfiguration. Nous prions tous ensemble en préparation à la communion, et je donne la communion à Myrna et aux personnes présentes qui le désirent. Chose étrange, au moment de donner la communion à Myrna, des vagues de senteurs extraordinaires emplissent la chambre et la maison, comme la veille.

Après la communion, Nicolas me dit, au salon, que la discussion avec le P. Maamar s'est poursuivie la veille au soir fort tard dans la nuit, après mon départ.

Ce mercredi 28 passe, comme la veille, en prière ininterrompue. Je laisse au P. Malouli le soin de raconter ce qui lui est arrivé quand il a présenté à Myrna le crucifix de son chapelet et la lumière qu'elle lui dit avoir vue. Il dira aussi comment Myrna a remarqué de la lumière là où le Père a accroché une image de la Vierge... et la main qui a fermé les yeux de Myrna lorsqu'elle n'arrivait pas à dormir. Elle a cru que sa mère posait sa main sur ses yeux pour l'aider à dormir.

Le jeudi 29 novembre, je porte encore la sainte communion à Myrna. Le diacre Spiridon est toujours là. Prière habituelle de préparation à la communion, puis je présente l'hostie à Myrna. Elle n'ouvre pas la bouche. J'hésite une seconde, puis je la lui présente une nouvelle fois en pressant quelque peu sur ses lèvres fermées. Elle ne l'ouvre pas non plus, mais elle demande

- Encore une fois ?

Ces paroles me surprennent, mais je ne dis rien. De nouveau, je presse sur ses lèvres : elle les ouvre et communie. Nous prions, chantons. Après un silence plus ou moins long, je lui dis

- Myrna, pourquoi as-tu dit : encore une fois ?

- Parce que tu m'avais déjà donné la communion.

- Moi, je ne t'ai pas donné la communion.

Elle rétorque : - Mais vous allez me rendre folle !

- Non, je ne t'avais pas donné à communier.

Alors je me tais un instant et lui pose la question suivante - Quelle était la forme de l'Eucharistie ?

Elle répond :

- Blanche, ronde, et je l'ai avalée sans la mâcher. Tandis que la seconde Eucharistie, je l'ai mâchée et avalée.

Ce jour-là aussi, pendant la communion, des vagues d'un parfum extraordinaire emplissent la chambre et la maison.

Quand le P. Malouli arrive, je lui dis ce qui m'est arrivé à la communion. Il me répond :

- C'est une communion mystique.

J'en avais entendu parler dans la vie de certains "élus", mais je la croyais pure exagération.

Ce jour-là aussi, je remarque une grande affluence de gens venus prier, surtout avec Myrna, mais aussi peut-être venus la voir comme une curiosité.

Vers midi, je téléphone à Soufanieh, et l'on me dit que Myrna a vomi de l'huile odoriférante. Je vais directement à Soufanieh et je vois le P. Malouli qui me raconte le fait et on me montre du coton où je vois une bonne quantité d'huile qui sent une odeur suave, la même que l'on a senti dès le premier jour du Phénomène. Je prie alors Myrna, dès qu'elle éprouvera le besoin de vomir, de prévenir pour qu'il soit possible d'en recueillir une partie que l'on fera examiner. Myrna me répond :

- Père, à peine j'éprouve une petite nausée, que je vomis, sans avoir eu le temps de faire quoi que ce soit, et il m'en reste ensuite une sorte d'épée de feu qui me brûle du bas-ventre jusqu'au haut de la poitrine.

A 15 heures 30, je téléphone à nouveau à Soufanieh, et l'on me dit que Myrna a encore une fois vomi de l'huile, sans qu'on ait eu le temps de rien recueillir, sauf l'huile qui a sali la couverture, et que l'on a essuyée.

Le soir, peu avant le moment de la prière, je me rends à Soufanieh. A l'instant se présente à moi, en me tendant les deux mains grandes ouvertes, Mme Nizha Élias, femme de mon ami Samir Salomon, en me disant :

-Père Elias, regarde !

Je regarde ses mains : elles sont luisantes et comme enduites d'une crème brillante. Je lui dis :

- Qu'est-ce que c'est, Nizha ?

Elle répond, en me tendant une fois encore ses mains - Sens cette odeur !

C'est la même odeur suave. Nizha me précise

- Père c'est l'huile que Myrna a vomie, je l'ai recueillie dans mes mains, parce que nous n'avons pas eu le temps d'apporter un récipient. Beaucoup en ont pris, car mes mains en étaient toutes pleines.

Nous commençons la prière à 18 heures. La prière se poursuit bien tard, sans interruption, car au fur et à mesure que des gens s'en vont, d'autres viennent remplir le patio et enchaînent... De temps en temps, j'entre dans la chambre de Myrna et prie avec ceux qui y prient.

Vers 23 heures, le chanteur libanais Tony Hanna me dit :

- Père, je crois qu'il faut vider un peu la chambre, car Myrna étouffe de chaleur.

- Tu as raison.

J'invite les gens à sortir pour laisser Myrna un peu seule, et sors le premier avec Tony Hanna. Mais le diacre Spiridon, lui, reste dans la pièce comme perdu dans un autre monde.

Debout devant l'image dans le patio, je m'unis à la prière commune. Au bout d'un moment, un brouhaha se fait entendre de la chambre : mélange de cris de joie, d'applaudissements et du chant liturgique de Pâques.

Nous courons vers la chambre et je vois Myrna étreindre follement sa maman, toutes deux pleurent et rient à la fois ; tandis que la plupart des personnes présentes pleurent ou se retiennent avec peine de pleurer. A son poste, Nabil Choukair filme la scène. Nicolas, lui, pris d'une grande émotion, s'est enfui de la chambre et a couru vers la rue. Le P. Malouli sort pour le ramener et le calmer, et il le conduit au salon.

Que s'est-il passé ?

Il faut voir la vidéocassette pour s'en rendre compte. Je la vois la nuit même, à une heure du matin, chez les voisins, les Jarallah.

Myrna avait éprouvé une nausée. Pendant qu'elle essayait de se maîtriser en attendant un récipient, elle se tordait dans son lit, les yeux fermés. Dans l'effort qu'elle fit, elle ouvrit lentement les yeux puis, les écarquillant elle s'écria mi-étonnée mi-affirmative :

- Maman, je te vois ? !

Elle se jeta dans les bras de sa mère et toutes deux éclatèrent en sanglots, sanglots mêlés quand même de rires. La vidéocassette est un témoin vraiment étonnant de ce que je dis. Pendant ce temps, le diacre Spiridon, multipliant les grandes métanies - inclination du torse jusqu'à terre - et faisant de grands signes de croix, chantait comme s'il n'était plus de ce monde. Sans faire du tout attention à ce qui se passait autour de lui, il répétait l'hymne de Pâques : «Le Christ est ressuscité d'entre les morts, et par sa mort Il a écrasé la mort, et Il a donné la vie à ceux qui sont dans les tombeaux. » On l'aurait cru en présence de Dieu même.

Il était 21 heures 20.

Une fois le calme revenu, je demande au diacre Spiridon de bien vouloir nous relire le chapitre 9 des Actes des Apôtres, maintenant que ce qu'il avait prévu s'est réalisé : trois jours, avait-il dit, et Myrna retrouvera la vue, tout à fait comme saint Paul... Myrna sort ensuite de la chambre. Et l'on chante de joie en face de l'Icône miraculeuse. Puis nous entrons au salon et écoutons la lecture, faite par le diacre Spiridon, des Actes des Apôtres. Il introduit cette lecture par un mot sur la présence du Seigneur dans son église. Bien sûr, Nabil Choukair est toujours là avec son inséparable caméra.

J'ajoute que M. Mounif Dabaj, notable orthodoxe, et sa femme sont là. Je leur dis ma tristesse à cause de l'absence des autorités ecclésiastiques responsables.

A minuit exactement, on présente à Myrna une petite soupe. A la voir prendre cette soupe, beaucoup remarquent que son teint, si épanoui durant les trois jours de jeûne, a retrouvé sa pâleur habituelle.

Le lendemain, je lui porte aussi la communion vers 9 heures du matin. Ensuite, elle sort au salon. Je lui demande : - Myrna, comment vois-tu les gens maintenant ? - J'ai l'impression d'avoir un écran entre moi et le monde.

- Qu'est-ce qui est plus beau : ce que tu vois maintenant ou ce que voyais auparavant ?

Elle sourit et me dit :

- Bien sûr, je suis contente de voir de nouveau. Mais il n'y a aucune commune mesure entre ce que je vois et la lumière que je voyais auparavant.

Elle parlera longtemps de cet écran et qui ne disparaîtra pas moins de deux semaines après son extase.

Une chose doit être signalée à propos de ces trois jours de "déviation" de la vue - comme s'est plu à l'appeler le P. Malouli. Myrna n'a quitté son lit qu'une seule fois, pour aller aux toilettes, et ce fut le mardi matin, aidée par sa mère.

En outre, le docteur Margi l'examina pour voir si elle souffrait de déshydratation : pas le moindre indice.

Quant à ses parents et aux parents de Nicolas, ils ont passé ces trois jours en prière, habités par la paix qui s'empare de quiconque s'en remet à Dieu pour de bon.